Les yeux ouverts, rêver…
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TABLE DES MATIERES : Les yeux ouverts, rêver
A l’insu
Dépouiller
Dans tous les sens
Jamais
Contre ou pour
Les yeux ouverts, rêver
Volets
Baguenauder
Puzzles temporels
Ridins
Météo : la pluie
Un jardin clos
Homme libre
Voguer
Légèreté
Fragile
Est / Ouest
A petits pas
Liberté.s
Augmenté
Optimist
Cadre
Nid
Silence
Au bord
Photos
Chute
Perle
Parfum
Etrange
Cartes de visite
Tête
Volcanique
Bonnecombe
Marcher
Chiffonniers
Trains de nuit
Autan
Vacance.s
Matinale
Patience confiante
Palette
Cartes
Feu follet
Mes mains
Cordes et cordages
Blouses blanches
Aigoual
Grain
Vivaces
Océan
A L’INSU
Rien n’y paraît, et pourtant
Au-dedans, à l’insu de tous, y compris
À mon insu, ça travaille, je ne sais pas comment,
Je n’en sais pas grand-chose, mais ça travaille.
Ça travaille, comment ? Comme l’étudiante studieuse ?
Non, plutôt comme les planchers, les meubles, les poutres
Travaillent.
Ça craque et ça s’ajuste, ça ne s’effondre pas.
Ça craque et ça s’ajuste, ça se tricote en douce
Peut-être avec de la laine détricotée qui se recycle.
Cycles, comme pour les machines qui lavent,
Cycles, comme pour une bonne partie de la vie des femmes,
Cycles, comme les saisons et les rotations célestes.
Dévide la pelote des mots, évide le creux de la vie,
Évidence qui laisse la place aux pousses,
Aux trouvailles encore à venir, aux étincelles,
Aux fulgurances… Ça se tricote en douce, à mon insu
Mots et maux, leurs et leurres, à la bonne heure
Se font filigrane.
Insu, inconnu, dé-maîtrise et dépossession
Attente confiante, pas trop d’attendus, pas trop d’angoisse
Laisse venir, ça surgira… à point nommé !
Rodez, 27 juin 2024
DANS TOUS LES SENS
Je danse avec les mots
J’écoute avec le vent
Le flux et le reflux modèlent mon souffle
Mes doigts froissent les feuilles du cassis
Ma main caresse les lavandes en fleur
Je chante avec le couchant du soleil
Mes yeux se ferment sur les constellations
Nuits étoilées de l’été
Nuits, piquetées, brillantes de gel, de janvier.
Je danse avec la bise
J’écoute avec le feu
Je peux caler mon souffle sur le battant de la pendule
Mes doigts se piquent aux bogues de châtaignes
Le brou de noix noircit mes mains
Je chante avec les étincelles crépitantes,
Mes yeux se posent sur les nuages
Stratus et cumulonimbus
J’écris à l’encre des nuages.
Les chuchotis enfantins me bercent
J’ai chanté des berceuses, Toutouig
J’ai lu des histoires
J’ai laissé le sable filer entre mes doigts
J’ai laissé les vaguelettes se couler entre mes orteils
J’ai dessiné sur le sable humide
Éphémère motif que la marée effacera
Le temps s’écoule, sans bruit,
Sans nostalgie.
Rodez, 29 juin 2024
RIDINS
Miroir…
Ces rides de sable humide ou mouillé, ou bien encore dur,
Ondulent à marée basse et blessent un tantinet
La voute plantaire qui les aborde mal.
Sable sec le plus souvent, le creux d’eau salée qui subsiste
N’est pas assez large pour refléter le ciel.
Miroir…
Le ciel strié de rainures blanches ondulantes, légèrement
Espacées. Le bleu du ciel serait comme l’eau qui affleure.
Côtoyant ces ridins aériens
De graciles nuages, échevelés comme
De vastes plumes ébouriffées ou un bouquet de feuillage
De mimosa.
Complicité du vent qui module, qui modèle
Ces créations fugaces, aériennes
Que mon œil et mon esprit rattachent
À des réalités d’un paysage terrien
À des réalités d’animaleries fantastiques
À des rêveries d’associations.
Tout comme la marée révèle ou occulte les ridins
Le ciel changeant du bord de mer
Entraîne, qui veut bien, à le suivre dans des configurations
Subtiles qui peuvent si vite évoluer.
Du petit nuage stationnaire, souvent colorié en bleu
Des dessins d’enfants
Aux nuées qui annoncent un grain
Variations.
Fromentine, 14 août 2024
LES YEUX OUVERTS, RÊVER
Tisser l’écorce du vent
L’entrecroiser à la lumière des étoiles
Sentir le vert chaud des pins ensoleillés
Cueillir le goémon humide de la marée
Cueillir la Grande Ourse
L’entrecroiser aux lucioles d’Orion
M’enivrer des immortelles dunaires
Écouter les chants des ligures ébouriffées
Guetter le chant des engoulevents
Tisser les rayons de lune
Les entrecroiser à la vapeur des nuages
Sentir la pulsation des vagues
Révéler les écritures, en creux sur le sable,
Marée basse ; effacées marée haute
Les superposer aux traces des envolées des
Gravelots à collier et autres mouettes rieuses
Tendre les oreilles vers les roselières
Soulever délicatement les histoires des greniers
Les entrecroiser, ou pas, au bourdonnement estival
Laisser la danse des libellules captiver mon regard
Tisser l’écorce du vent
Cueillir la Grande Ourse
Guetter le chant des libellules
Tisser l’écorce du temps.
Fromentine, 8 juillet 2024
HOMME LIBRE
… Toujours tu chériras la mer
Ce matin, la liberté mythique évoquée par
Le grand Charles et à laquelle rêvent tous
Les voileux et les amoureux du large
Ce matin, la liberté est enchaînée… pour la bonne cause
Le bateau à moteur orange tracte, tire
En file indienne les cinq catamarans
De l’école de voile,
Encordés pour aller voguer plus loin
La basse mer ne favorise pas le nautisme dans le Goulet
Ce matin, marée de 104.
Les variations bleutées, mer quasi étale,
Oscillant du vert clair au bleu-gris, céruléennes,
Répondent à la limpidité du ciel matinal.
Les voiles blanches rayées de bleu glissent
Leur cargaison de moussaillons dûment munis
De combinaisons et de gilets de sauvetage,
De rêves et de remémoration des manœuvres
Apprises, acquises la vielle, vogue.
Près de l’école de voile, je les croise, femmes libres
Qui chérissent la mer et se baignent
Chaque matin, la plus âgée soutenue par
La plus jeune. Elles sont mes « copines de baignade ».
Le matin on est si peu nombreuses… on se cause
Mais ce matin-là, c’est à pied sec qu’on se parle,
Je fais faux bond : langoustines et maquereaux
Nécessitent une prise en charge rapide !
Fromentine, 22 août 2024
A PETITS PAS
L’automne grignote à petits pas,
Par petites morsures : un peu de vert par-ci
Un fruit oublié par-là.
Tavelures et pointillisme foncé
La palette, des jaunes aux rouilles,
Nuances que le pinceau automnal
Dilue dans les gouttes de pluie,
Par touches successives se déposent.
Certaines feuilles racornissent
D’autres résistent… et le rouge n’est pas en reste
Il se faufile, à point nommé
Pour faire éclater, vibrer, le gris des pierres
Pour trancher sur l’ardoise des nuages.
Arbres, arbustes, vigne vierge et vigne à raisins
Toutes les feuilles, à leur rythme,
Selon ensoleillement ou courant d’air,
Jouent la partition automnale.
Un vent violent, une gelée précoce
Chutent les feuilles, sombrent les couleurs.
Le régal n’est plus pour les yeux,
La joie se distille au bout des pieds :
Marcher dans les feuilles mortes et leur donner
De nouveau un envol, mais si léger
Marcher dans les feuilles sèches
Joie enfantine qui perdure
Même chaussé de bottes, les feuilles mouillées
C’est moins rigolo, ça glisse…
Et que se cache-t-il sous ce tapis de feuilles ?
Rodez, 3 octobre 2024
AUGMENTE
Vraiment ?
Objets connectés et applications en tous genres
Augmentation ou rétrécissement des possibles ?
Captation par l’écran : force des images
Et des couleurs, de la vie réelle ou mise en scène,
Attractivité qui rend si pâle et terne l’entourage.
Dictature de l’immédiateté, ici et maintenant :
Répondre, liker, partager, suivre.
Insidieuse dictature de l’entre-soi.
Les mains sont prises, capturées par le rectangle,
Les oreilles gavées de sons : blanches excroissances
Des oreillettes sans fil
Les yeux saturés de sollicitations, d’animations.
Comme un doudou…
Par peur de vol, de chute ? Certains longs cordons
Relient le précieux appareil à leur propriétaire
Cordon ombilical ?
D’autres affichent des bijoux de téléphone
Stickers et paillettes quand d’autres encore arborent
Une sorte de collier de perles, collier ou fil emperlé
Qui ressemble presque à s’y méprendre au supplément
Qui orne quelque sucettes, « suçous » ou tétines
Des plus jeunes.
La critique est aisée, mais l’art de garder à leur juste
Place ces objets si commodes dans le quotidien,
Est bien difficile !
Aux aguets : pas pour la dernière notif’
Mais pour le sourire de l’enfant qui te fait face
Pour les éclosions fleuries dans les jardins que tu longes
Pour la pluie ou la neige qui modifie le paysage.
Aux aguets pour que l’ordinaire du quotidien reprenne ses droits.
Rodez, 15 octobre 2024
PALETTE
Les mots comme un cocon,
Comme un cocon qui se délitant s’engage,
Engage… Engage, enrage ?
Ni rage ni désespoir…
Comme un cocon se délitant, se déposent
Les mots, les phrases, les idées ;
Comme sur une palette sont déposés des
Mots, phrases, idées, telles des couleurs
Que le pinceau du peintre va cueillir
Pour ensuite les déposer sur la toile
Laissant l’inspiration, la création se déployer.
Comme sur les touches d’un piano, d’un clavecin
Comme sur les cordes d’une harpe
Que le musicien saura faire sonner, chanter,
Émotions, idées, phrases et mots se sont tapis.
C’est la plume du stylo au bout de mes doigts
Qui court ou chemine plus lentement
Le long des lignes pour mettre en mots, en résonnance
Ce qui me traverse et va vers une déposition
Déposition, dépossession ?
Possiblement, paisiblement, laisser doigts
Et encre inscrire ce qui, d’émotions, d’idées
Se précise ou s’imprécise en mots, phrases.
Déposer des mots comme on dépose les armes
Déposer des mots comme on vide son sac
Déposer des mots pour laisser poindre la lumière
Fromentine, 12 avril 2025
CHIFFONNIERS
Semainiers et secrétaires, meubles à secrets
Chiffonniers, semainiers et secrétaires : fonctions ?
Recycleurs, « drigailleurs », pilulier ou employé aux écritures ?
Résolument : meubles à secrets !
Ébénistes, artisans d’art, restaurateurs,
Femmes et hommes de talent qui révèlent,
Font jouer les mécanismes cachés. Serrures,
Pans coulissants, câbles et poulies, mécanismes
Grâce auxquels pièces ou écrits précieux
Se trouvent soustraits à la vue, cachés
Dans le tréfonds d’un beau meuble marqueté,
Élément choisi d’un décor de goût.
Au-delà du secret enfoui, double ou triple-fond,
C’est la nature même du meuble qui peut
Se transformer : la table de toilette devenant écritoire.
Chiffonniers : cinq tiroirs ; semainiers : sept tiroirs
Évoquent davantage la lingerie, les accessoires de
Fins tissus ou quelques délicates broderies, que des secrets
D’État, quoi que ! à moins que ce ne soient d’inavouables
Secrets romantiques ou adultérins…
Meubles de pièces dédiées à la gent féminine.
Les secrétaires, quant à eux, sont moins genrés :
Hommes et femmes ont des secrets à taire.
Se faisant écritoire, abattant ouvert, se dévoilent
Librement, tiroirs et compartiments.
Accessibles à la vue, occultant par quelque panneau
Ouvragé, un mécanisme révélant une cachette
Dans laquelle, papiers compromettants, mèches de
Cheveux ou secrets d’autre ampleur
Sont jalousement conservés.
Á l’heure des réseaux sociaux et de la Toile gigantesque
Tel est pris qui croyait prendre !
Une fois postée, divulguée, l’information, même effacée
Reste accessible aux informaticiens avertis.
Ce ne sont plus des mécanismes de bois ou de métal qui
Cachent ou révèlent, mais de non moins obscurs mécanismes
Algorithmiques, jalousement gardés, cryptés.
Encore de l’humain derrière la sophistication de la mémoire
Sauvegardée. Jusques à quand ?
Rodez, 13 mars 2025
CORDES ET CORDAGES
Toronnés, brins de sisal ou de chanvre d’antan,
Nylon ou kevlar modernes, cordages en mer
Entrelacés d’un fil rouge pour la marine anglaise*
Haubans, drisses, écoutes, amarres et bouts des marins.
Au premier âge, c’est le cordon qui relie l’enfant au placenta,
Les cordes à sauter individuelles ou collectives
Enchantent les cours de récréation,
Les costauds s’essayent au tir à la corde.
Cordes pour les montagnards encordés, ou cordes
Pour l’escalade, dégaines et baudriers complètant la panoplie.
Encordés ou accordés ?
La corde, telle un nœud coulant ou une entrave ?
La corde pour assurer, pour soutenir, pour accompagner ?
Accorder cordes, vents et percussions avant le concert,
S’accorder un répit, s’accorder pour envisager, ensemble,
Réflexions, partage des tâches, répartition des rôles.
Á tout âge s’accorder : accordage.
Comme avec la double hélice de l’ADN, jeunes et moins jeunes
Sommes encordés : tous nous cheminons dans le même sens
Celui de la vie, vers l’à-venir
Plus proche de son terme pour certains.
Cependant, à moins que la corde ne s’effiloche, lâche
Nul ne chemine à contre-courant.
Rodez, 15 mai 2024
*On nous parle d’une pratique particulière à la marine anglaise. Tous les cordages de la marine royale, du plus gros au plus mince, sont tressés de telle sorte qu’un fil rouge va d’un bout à l’autre et qu’on ne peut le détacher sans tout défaire ; ce qui permet de reconnaitre, même aux moindres fragments, qu’ils appartiennent à la Couronne.
Goethe Les affinités électives.
poe-vie.fr
« Au fil de la vie, au gré des mots »