CORPS

MAINS Mains pour saisir, palper, soupeser, envelopper, caresser, Sentir la forme, la texture, la chaleur, le grain, la veine ; Mains qui suppléent la vue ou la parole, Importance du toucher et du signe ; Mains érudites qui manient avec aisance la plume ou le scalpel ; Mains travailleuses, terriennes, noueuses D’avoir empoigné la pelle, la pioche, Mains qui se sont émues au velouté du pétale d’une fleur champêtre, Mains artisanes qui ont œuvré avec La varlope, le ciseau ou la gouge, Mains qui ont joint l’utile à l’agréable ; Mains rougies d’avoir lavé, frotté et récuré Mains des femmes, Mains sciées d’avoir transporté les courses dans une poche plastique Qui vrille, tourne et s’entortille. Mains qui ont apaisé, soigné, calmé, réconforté, Mains des mères qui savent les geste immémoriaux ; Mains qui implorent, quémandent ou s’ouvrent pour recevoir Pour donner aussi, même geste pourtant ! Mains qui accompagnent : Main de l’enfant confiante dans celle du père, Main de l’amoureux aux doigts entrelacés de sa compagne, Mains tenues sur un drap d’hôpital pour accompagner, Soutenir celui qui souffre ou qui s’en va. Mains au long cours : De la main fleur du bébé qui se donne mais recroquevillée Doigt saisissant avec ardeur et force l’index adulte, À la main de l’ancêtre qui, elle aussi reste recroquevillée D’avoir tant partagé, fidèle compagne de chaque instant de vie. De la prise palmaire à la vraie pince, De la dextérité et de l’indépendance digitale À la rigidité des doigts qui obéissent mal Laissent tomber, n’agrippent plus, ne savent plus forcer Pour dévisser, arracher, couper ou écrire Poids de l’âge. Force des expressions : Petites mains qui œuvrent dans l’ombre Mettre la main à la pâte Se salir les mains ou s’en laver les mains, Avancer main dans la main Donner un coup de main Avoir une situation bien en main Lire les lignes de la main De main de maître !                            Rodez, 17 février 2007

DOS Plein l’dos ; ras-le bol, et pourtant… La colonne vertébrale, tige qui se déploie S’articule, ondule, permet le pas, la danse Les pieds sur terre et la tête dans les nuages Dos rond du tout-petit, voussu de l’aïeul Arbre central d’où part le mouvement Se tenir assis, un bel exploit ! Encore plus fort Déambuler sur ses deux pieds, courir, Sauter, grimper… Comme un bateau bien gréé Noblesse du port de tête des femmes africaines Tête, dos, hanches solides, courbures variées Belle cambrure subsaharienne pour l’assise des enfants Non moins belle platitude japonaise Beau tomber du kimono que ne déforme nulle poche, Nul pli disgracieux… Parfois on en prend soin : étirements, dos rond Dos creusé comme le chat qui s’étire Le plus souvent, on le malmène sans penser à mal Vrillé devant l’ordinateur, tordu, penché D’un côté, de l’autre selon la charge portée à bout de bras Les épaules en charge, le stress, le poids De la charge mentale, du sac à dos Sac à dos, cartable lycéen ; sac à dos, rando alors là oui… On pense à équilibrer, répartir le poids, les hanches contribuent Charpente mobile, souple mais pas à n’importe quel prix ! Éloignement impensable des orteils vieillis, fierté sans pareille Que celle de l’enfant juché sur des épaules parentales, Le regard porte si loin… Jadis on transportait à dos d’homme, Notre quotidien est jalonné désormais de dos-d’âne… Parfois on se défausse et certains ont bon dos ! Rodez, 10 juin 2021

A CORPS DANSANT
Rien d’impossible ?
Magie et grâce du mouvement
Élan de l’intention
D’où part le tracé du corps
Figures libres ou imposées
Travailler mais oser l’audace
Tenu, tendu, délié pourtant
Aérien, glissant et intemporel
Marqué parfois d’intentions
Puissantes
Plus incarnées
Plus denses.
Trouver l’air et la respiration
Susciter l’envie
Rayonner de la joie de danser
Ivresse du mouvement
Vécu, ressenti, charnel
De l’intérieur vers l’extérieur
Mais libéré
Sans conscience appuyée
Mémoire vive
Mémoire vivante du corps
Qui se souvient
Qui danse comme l’enfant
Danse et invente sa vie.   
                                                                        Rodez, 19 juin 2013

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« Au fil de la vie, au gré des mots »