INSTANTS
NAUFFRAGES…EES Coureurs, joggeurs, runners et autres Chaussés de manière adéquate Tenues colorées et respirantes Portable accroché au bras, Alignent les kilomètres en forêt, Sur piste cyclable ou voie goudronnée. Certains ont la foulée souple Élégante, légère, harmonieuse et efficace ; Pour d’autres, les talons sont lourds, Chaque avancée de jambe, pareille à une Victoire acquise de haute lutte. La respiration des uns semble fluide Semble s’effectuer sans effort ; Celle des autres, pénible, bouche ouverte Et œil égaré, ressemblant à celui d’un poisson Hors de son bocal. La chaleur tanne les uns et les fait suer, tous. Contrainte ou plaisir ? Acharnement ou joie de sentir le déroulé De ses chevilles, l’impact rebondissant ? Joie d’observer le paysage, découverte du Jour ou parcours éprouvé ? Impossible de se fier aux apparences… Qui dira la satisfaction d’avoir réussi Réussi à terminer une boucle, réussi à tenir une durée Réussi à s’extraire du confort douillet Pour aller affronter pluie, vent ou soleil ? Point trop n’en faut, fil du juste milieu Fil du funambule de la vie, de sa vie À temps, en équilibre Écouter, sentir, percevoir l’avant du Point de bascule, de non-retour Au risque de se perdre, corps et biens. En petites foulées Sans se fouler la rate… et encore moins la cheville Avancer à son allure, à son allant en devenir Fromentine, 16 juillet 2023 | VIREVLOTES Marée basse Loin, la mer s’est retirée, le sable Prend toute la place, à perte de vue À perte de vue la luminosité Changeante du ciel, Quelques nuages Bleu, gris, beige, blanc voilé… Détonnant, étonnante Une fulgurance fuchsia Long ruban qui se déplie, se déploie Monte et descend, s’enroule et se déroule Virevoltes variées, tourbillons dans un sens Cercles concentriques dans l’autre La dextérité de celle ou celui qui est aux manettes Qui joue avec les fils du cerf-volant Témoigne d’une certaine pratique du vent. Je rêve à une écriture codée, éphémère Tournoyante, virevoltante Aérienne et se jouant des facéties du vent Plus contrastée mais tout aussi Évanescente que ce qui se grave dans la neige S’inscrit sur le sable mouillé Dans le sable mouillé s’inscrit le poids terrestre S’affiche ce que la marée effacera. Dans le ciel, les yeux suivent le bon plaisir De l’air et de la toile souple Fluide Fromentine, 7 août 2023 |
UNE MINUTE Une minute, pas plus ! Exaspération de l’un face à l’autre, enfant Ou collègue qui lambine et lui fait, semble-t-il, Perdre son précieux temps. Une minute, pas plus ! Avertissement avant que ne soient relevées les copies. J’en ai pour une minute ! Autrement dit : patiente ! L’expression Ne leurre pas celle ou celui qui sait bien Que ça risque fort de durer plusieurs Minutes de pendule. Plus qu’une minute… L’attente, La longue attente, voire l’angoisse Va être levée, verdict il y aura : Arrivée, succès, échec… ou ouverture des portes ! À une minute près…et pour peu c’était Raté, loupé, parti, envolé…. Précision des horloges digitales et de nos téléphones Désormais à l’heure de la naissance s’ajoute les minutes exactes Pas cinq ou dix, mais huit ou treize. Et que dire de la minute, de la solennelle Minute de silence Petit morceau dérisoire certes, mais Qui manifeste l’hommage, le recueillement. La solennité fait, contre intuitive, éclore Quelques fous-rires nerveux, nullement intentionnels À réprimer au plus vite Les attentes, en heures et minutes se mesurent Et la joie, quelle est sa mesure ? Rodez, 16 octobre 2023 | RAMPE Non pas une injonction à se vautrer par terre ni à se déplacer en reptation… Rampes d’escalier, mains courantes… Le long du mur, à l’endroit le plus large ou le plus étroit des marches Rampes de bois ou de métal que tant de mains ont patiné. Froide, voire humide, celle de mon enfance, en bois chaud, vernis ou encaustiqué Celles tenues dans des immeubles où, Avec la grille basse ouvragée, elles cernent Le vide central qui court du rez-de-chaussée au dernier étage, perspectives… Et que dire de celles du lycée ou de divers lieux de travail Deux rampes face à face : l’une assurant le flot De la montée, l’autre celui de la cavalcade descendante. Rampes au long cours, que d’histoires dont Témoigner : mains enfantines qui ont grandi Mains adultes qui ont vieilli puis disparu, mains gantées ou non, Selon les époques, le sexe, la température. Certaines ont vu défiler des fonds de culotte d’enfants hardis, Les mêmes ont soutenu la montée laborieuse De la ménagère chargée, retour du marché ; Les mêmes encore ont été bousculées, vouées aux gémonies Par livreurs ou déménageurs dont elles réduisent l’espace de circulation utile. Tenir une rampe comme on tiendrait une main : assurance et réassurance. Premiers pas, château branlant, elle rassure Quand un seul pied est posé tandis que l’autre En équilibre cherche la marche suivante pour monter ou descendre Fierté de s’en affranchir quand l’escalier, « On l’a dans les jambes », nul besoin de point d’appuis Pour le parcourir quatre à quatre. Élément central des parties communes, Des beaux étages aux chambres de bonne Et autres greniers, pour peu que ne soient pas Séparés les escaliers. Éléments de décor choisi avec soin, élément de finition Élément utile aux âges de la vie. Rodez, 19 octobre 2023 |
A LA BONNE HEURE Se coucher comme les poules, se lever au chant du coq Expressions rurales de la vie d’une autre époque. La fée électricité remplaçant lampes à pétrole, bougies et autres chandelles A donné le premier emballement de la course à réduire le temps -perdu- de sommeil Temps perdu ? Que nenni : notre cerveau travaille à plein régime, revit des séquences Recycle des neurones, en regénère d’autres ; le corps n’est pas en reste, qui met en branle Tout une succession d’activations internes aussi importantes que variées… À la bonne heure, qu’est-ce à dire quand Mars et Octobre arrivent à leur terme ? C’est le grand bazar du « changement d’heure » D’aucuns s’acharnent à complexifier la donne Heure de sommeil en plus (rendue fin octobre) ; Heure de sommeil en moins (volée fin mars) Et les jours nous sembleront-il plus courts ou plus longs ? Les soirées inviteront-elles à Retarder l’heure du coucher ou au contraire à filer plus tôt sous la couette ? À moins que la lumière bleue des écrans ne vienne perturber, Contrarier, l’effet sédatif naturel de la mélatonine ? Expression d’une vie urbaine trépidante : « Les villes qui ne dorment jamais » sont-elles le nouveau Graal ? Si la lumière du jour a longtemps rythmé les cycles de travail, de veille et de sommeil, La mode est, pour certains, au lever matinal, aux aurores même : Gain de temps pour le sport et la méditation, ou encore Salutaire hygiène pour qui accepte de se coucher tôt. À la bonne heure, chacun son rythme, ses rythmes À la bonne heure, quand l’histoire s’en mêle : la dorveille Heures de réveil nocturne, norme médiévale d’un sommeil Fragmenté. Deux actes, un entracte créatif et méditatif Bonnes heures « veille-sommeil » ? Heures actives des femmes qui, A la mi-nuit, achevaient des tâches ménagères, surveillaient le feu… Fragmenté ou pas le sommeil ? Cauchemar des insomnies. À la bonne heure, quand les paupières s’ouvrent sur un jour tout neuf À la bonne heure, quand le corps du dormeur Émerge frais et dispos à l’assaut d’un jour tout neuf, À la bonne heure, quand le réveil n’a pas eu à sonner, à rappeler Les urgences de la course d’un jour tout neuf À la bonne heure, au bon heur. Rodez, 27 octobre 2023 | DE PLUMES ET D’ETOILES Patiemment, maille après maille Pour toi, je voudrais tricoter une étole Douillette. De l’angora pour la chaleur et La douceur où se lover ; des plumes Pour les couleurs et les envies d’évasion, Des étoiles pour la lumière dans la nuit noire, Des étoiles que le petit jour fait pâlir, pas Partir. Invisibles elles sont là… Les lueurs timides du jour naissant Invitent, invitent à la danse, doucement Réveil en douceur. L’étole se fait toile légère Enveloppante tel un vent tiède qui met en Mouvements, en bruissements, les tendres feuilles Tout juste écloses. Le jour, à pas feutrés, fait s’estomper la nuit Métamorphose temporelle qui sait Qui prend son temps. En douceur. La lumière, les voix, les sons du plein midi Seraient trop, trop violents, trop envahissants. Reprendre pied, retrouver l’équilibre Cligner, puis ouvrir les yeux, bâiller Se détendre, réaliser, s’étirer Er accueillir, anticiper la saveur de ce jour Nouveau. Quelles rencontres, quelles histoires, Quelles découvertes et quels accomplissements Recèle-t-il ? Des plumes pour écrire en virevoltes Des étoiles plein les yeux Les bulles du présent pétillent On y va Rodez, 16 décembre 2023. |
BLEU Ce bleu si particulier… Ce bleu si particulier, boiseries vieillies, Ce bleu si particulier des enseignes oubliées, Ce bleu qui subsiste, trace tenace, veines apparentes Entourées de planches que le temps, la pluie, Les diverses intempéries ont grisées, blanchies. Ce bleu qui n’est pas vraiment lasuré, Ce bleu qui témoigne d’un entrepôt Jadis actif, Ce bleu qui atteste que le char a connu Des jours meilleurs, Ce bleu si particulier qui rappelle que la porte De la grange était bien entretenue. Parfois, les portes des anciens ateliers qui S’ouvraient à deux battants démesurés, Pour diverses charretées ou livraisons, Parfois ces portes démesurées en recèlent une À taille humaine, qui nécessite qu’on lève haut Le pied pour en franchir l’ouverture. Parfois, au chambranle de ces portes, Quelques traces bleues, de ce bleu si particulier. Bleu entre violet et bleu dur, bleu roi ? Pas bleu marine, couleur « bleu foncé » Ce bleu foncé de certains gros crayons de couleur. Quelques murs affichant encore des publicités désuètes, Simca ou Dubonnet, offrent quelques nuances de Ce bleu si particulier. Fromentine, 18 avril 2024 | COURBES Si le plus court chemin d’un point à un autre Est la ligne droite, Plus girondes sont les courbes. Eluard célébrant Elsa : » La courbe de tes yeux Fait le tour de mon cœur Un rond de danse et de douceur. » Généreusement, Dame Nature nous fait présent De la courbe entière ou tronquée de l’arc-en-ciel Enchâssé, immuable ordre des couleurs. Si les arêtes des rochers et autres écueils sont Saillantes et acérées, la paume épouse la douceur Et la densité du galet que le ressac a paré De courbes sensuelles et douces à la main qui s’en saisit. Coquillages en coupe et se dévoilent courbes Et volutes, colimaçon du nautilus. Du colimaçon De l’oreille interne à l’escalier du phare Fascination en plongée depuis le garde-corps. Colimaçon ou spirale, Croissante ou décroissante, Conquêtes de tracés qui, de ponts en boucles , Conduiront vers les courbes et arabesques Du calligraphe. Arrondis et courbes des pétales, Galbe des fruits : pommes et pommes d’orange, Rondeur des collines, Disque orangé ou de feu plongeant dans l’horizon Salé de l’océan. Rodez, 2 mars 2024 |
DES CHIFFRES ET DES LETTRES Une dizaine de chiffres, pas plus, pour la numération, les calculs Des nombres er des racines, des carrés et des cubes, des fractions Et tant d’autres… à l’infini, du plus grand au plus petit, Entiers, relatifs et complexes, réels et même imaginaires… Des lettres, accentuées ou non, redoublées ou Accolées, ligaturées… vingt-six qui se répartissent entre Voyelles et consonnes, vingt-six loyales et bonnes servantes Pour lire et écrire tant de mots, connus, usuels Pour les uns, rares, voire tombés en désuétude pour Les autres, inusité, inconnu pour qui doit en chercher La signification dans un dictionnaire ou auprès de plus instruit. Et quand la lettre, facétieuse, se fait chiffre : Belles lettres entrelacées, brodées, monogramme Marqueur de classe, beau linge… Abécédaires en point de croix, s’entraîner pour Marquer le trousseau, identifier draps, Torchons et chemises rincés au lavoir après la grande lessive À la cendre du printemps ou de l’automne. Suite de chiffres pour le matricule, troupe ou pensionnaires, Suite de chiffres déshumanisants, tatoués, de sinistre mémoire. Ni lettre, ni chiffre, flétrissure en place publique, Sceau de l’infamie quand la fleur de lys entame la chair. Des chiffres et des lettres comme autant de signes Des chiffres et des lettres comme autant d’empreintes Des chiffres et des lettres de marque Parfois la croix de qui ne connaît ses lettres. Rodez, 7 juin 2024 | GOÛTER Goûter : nom qui évoque le quatre-heures Tartine de pain, beurre et carreau de gros chocolat À cuire, éventuellement râpé par la lame du couteau… Goûter : verbe, tester du bout des lèvres et de la langue, Vérifier si l’assaisonnement va bien Ou si épices, aromates et sel doivent être ajoutés. Goûter : verbe, tester du bout des lèvres, juste pour découvrir Une nouvelle saveur, inédite, qui régale Ou révulse les papilles. Des goûts et des couleurs… Goûter, savourer, apprécier mets ou situations, Pépites du quotidien ou moments plus solennels. Goûter, participer, « en être », convocation charnelle Et sensorielle. Goûter, être vivant et se mettre au contact, Accepter le contact qui engage, s’incarne voire s’incorpore. Goûter avec gourmandise, se réjouir, Se régaler, l’anticipation est bonne conseillère, Voire picorer, pas s’empiffrer, picorer Au petit bonheur la chance Légèreté du goûter, moins pompeux Qu’un déjeuner, un dîner ou un repas… Différent d’un apéro ! Liberté au parfum d’enfance du goûter, Liberté de s’écouter et d’apprécier avec justesse Liberté d’acquiescer ou de décliner En liberté surgissent des souvenirs liés au goût. Pour moi, regret de ne jamais atteindre Le « goût de l’odeur » du café fraîchement torréfié. Rodez, 7 mai 2024 |
TABLE DES MATIERES : INSTANTS
Comme un ruban
Living-room, déjeuner en solo
Nauffragés…ées
Au fil de l’eau
Virevoltes
A toi qui es dans la peine
Attente
Le goût des choses
Carcasses
Pépiements
Fluide
Mains en coupe
Sans profondeur, sans épaisseur
Allègement
Chirurgien-dentiste
Une minute
Rampe
Escaliers
A la bonne heure
Châtaignes
Etincelles
Unité / singularité
En gésine
De plumes et d’étoiles
Tribulations
Le huit et l’infini
Périple
Le poids d’une vie
Equilibre et pas de côté
Fleurs de givre
Page blanche
Papillons
Courbes
Grâce
Chuchotements
Choc
Louche
Brume
Pause matinale
Les mots
Bleu
Pétales
Jour de pluie
Ramassage
Paradoxe
Abandonner
Goûter
Questions
Sonore
NRS
Des chiffres et des lettres
Des lettres et des notes
Nuancier
poe-vie.fr
« Au fil de la vie, au gré des mots »